On a beaucoup parlé du nombre important de films en provenance des pays socialistes présentés à Nyon. A l'époque nous savions les décoder pour comprendre, malgré une censure omniprésente, le message caché qu'ils tentaient de nous transmettre et qui se résumait souvent en ce simple mot qui sonnait comme «Liberté!». Aujourd'hui nous devons réapprendre a regarder, plutôt que de consommer, car autrement nous allons perdre la clef de notre propre liberté.
Je dois personnellement beaucoup à ce festival. Qui aurait cru en ce lointain 1969 que diriger un festival à Nyon avec un budget à l'époque de 30'000 francs, que cela me porterait à Locarno, puis à Berlin et enfin à Venise. Merci à Nyon, et merci à tous ceux ici et ailleurs – créateurs ou collaborateurs, qui ont participé à ce parcours unique. ..
Erika de Hadeln: Lorsque nous avions 28 ans, en 1969, nous étions pleins d'enthousiasme, sans trop d'expérience en ce qui concerne la gestion d'un festival. A Locarno, deux ans plus tard, c'était un peu pareil. A quarante ans - Berlin - toujours beaucoup d'enthousiasme et un peu plus d'expérience. A un peu plus de cinquante ans, à Nyon en 1993, toujours autant d'enthousiasme, bien de l'expérience et un sens acquis des réalités...
… je tiens ici à exprimer quelques remerciements: d'abord à une personnalité que peu de vous connaissent encore: Michel Sandoz. Il fut à l'époque président de l'ADIN (L'Association des Intérêts de Nyon) et, avocat, a aidé à formuler les statuts du Festival et de l'association avec Locarno ainsi que le recours mémorable contre une décision aussi - sinon moins - mémorable de Berne en matière de subvention. Son intervention nous valut en 1970 une subvention fédérale de Fr. 5'000.(7) Mais Me Sandoz nous a surtout donné l'exemple d'un engagement actif pour la communauté, d'une disponibilité sans bornes pour une cause, ne ménageant ni son temps ni ses moyens.
Mes remerciements - émus puis qu'ils ne sont plus parmi nous pour vivre ce moment - vont aux trois présidents du Festival qui ont forgé son destin: par leur engagement, leur caractère franc et honnête, leur confiance en nous et notre travail. Ils ont aidé le Festival à survivre, à contourner maints écueils. Sans eux "Visions du Réel" n'existerait pas. Je rends hommage à Bernard Glasson, Maurice Ruey et Armand Forel.
On nous a souvent attesté que nous savions nous entourer d'excellents collaborateurs. Trop nombreux pour les nommer, mais en pensant à tous, je remercie chaleureusement Nicole Favre, fidèle collaboratrice de longue date et aujourd'hui mémoire vivante du Festival.
Freddy Buache nous a dit un jour: "Un festival de cinéma, c'est montrer des films qu'on aime à des gens qu'on aime." Les films que nous avons montrés, nous les avons tous aimés ainsi que les gens, à savoir le public, bien entendu. Il y a quelques années, à la caisse d'un magasin, un jeune monsieur m'adresse la parole: « Vous ne vous souvenez peut-être pas de moi, mais moi, je me rappellerai toujours: C'était il y a bien des années, à l'Aula du Collège: je n'avais pas encore 16 ans mais voulais absolument voir un film programmé en soirée. Alors vous m'avez pris par la main et m'avez fait passer les contrôles. »
Et pour terminer, j'aimerais citer Armand Forel: " Si les documents, les films d'enquête ou documentaires peuvent aider l'humanité à ne pas recommencer les folies fratricides de ce siècle et peuvent les pousser à plus d'humanisme, de fraternité sur cette terre divisée en quart monde, en tiers monde et en monde de nantis, je ne regretterai jamais d'y avoir participé."(8)
Nyon, 25 avril 2009