Alexandra de Hadeln - Balaceano (1911-1977)
Ébauche d’une biographie (2)
1939
Inquiet par les répercussions des guerres coloniales de Mussolini, fin août 1938, le couple quitte l’Italie pour l’Angleterre une première fois à la veille des accords de Munich, puis une seconde fois, fin août 1939. En septembre Harry s’engage comme volontaire dans l’armée britannique. Il entre à l’académie militaire de Sandhurst (Londres) d’où il sortira avec le grade de capitaine. En 1937, Harry avait changé le nom de famille de “von Hadeln-Hudson” en “von Hadeln”, puis fin 1939, de “von Hadeln” en “de Hadeln”. Peu avant que Mussolini ne déclare la guerre, Alexandra entreprendra seule en voiture pendant la “drôle de guerre” un dernier voyage à Florence pour tenter de mettre en sécurité les biens de la famille. Peu après, leur villa sera séquestrée comme “bien ennemi”.

1940
L’armée allemande envahit la France. Alexandra perd bientôt tout contact avec sa mère et sa sœur restées à Aix-les-Bains, puis à Vichy.
En vain elle tentera de les contacter à travers la Croix Rouge Internationale. Alors que son mari est incorporé dans la 8ème Armée en Afrique du Nord puis en Italie et ne reviendra qu’une seule fois en Angleterre durant la guerre, l’on retrouve les traces d’Alexandra à Londres, Oxford, Twakesbury et à Upton. Durant la guerre elle continuera sa carrière de sculpteur et créera une série de dessins et d’huiles inspirés des horreurs du conflit mondial. Elle participera entre autres à une exposition itinérante des artistes britanniques à travers le pays. Francophone, elle suivra avidement les nouvelles de la France occupée et s’abonne à la revue “La France Libre”. Elle tissera des liens avec l’attaché culturel roumain à Londres, Ciotori, dont elle peint le portrait et sculpte un buste.

Entre temps, en cette même année 1940, suite au tremblement de terre en Roumanie, la propriété familiale à Scaeni est entièrement détruite.
1940, 21 décembre
Naissance à Exeter (Devon), où se trouvait le régiment de Harry, du deuxième enfant du couple, Moritz. A peine une semaine plus tard l’hôpital sera bombardé par un avion allemand. Moritz sera baptisé orthodoxe en Irlande du Nord, dans une baignoire dit-on, par le pope orthodoxe d’un bateau grec séquestré. Par la suite, son fils sera confié de longues périodes à une nurse, pour l'éloigner des bombardements allemands et permettre à Alexandra de poursuivre sa carrière d'artiste.

1942, 31 mars
Alexandra sera élue membre de la “Royal Academy of British Sculptors”, sa candidature ayant été proposée par les sculpteurs Charles Wheeler (1892-1974, connu entre autres pour sa statue sur la fontaine de Trafalgar Square) et Margaret Wrightson. Mais dans l’impossibilité de la retracer après son départ d’Angleterre en 1945, sa participation sera plus tard suspendue et ne sera jamais renouvelée.

1944-1945
Le 15 septembre 1944, sa sœur Yvonne donne naissance à un fils, Emmanuel Balaceano, qu’Alexandra ne connaîtra à Paris qu’après la guerre en retrouvant sa sœur et sa mère. Alexandra s’engage volontaire comme conductrice d’ambulances dans la Croix Rouge britannique avec le secret espoir d’être envoyée en France revoir les siens. Son unité est toutefois dirigée vers la Belgique, puis prévue pour les camps de concentration libérés, mais début 1945 elle démissionne et rentre à Londres pour rejoindre son mari fraîchement démobilisé. La famille se déplace alors vers Paris, Mâcon, Aix-les Bains en route vers Florence. Partout sur la route, sauf curieusement à Aix, Alexandra dessinera esquisses et aquarelles.

Dans le recueil de textes d’artistes “ De la Palette à l’Écritoire” (éd. Correa) publié en 1946 par André Lhote qu’elle lit assidûment, elle soulignera parmi d’autres le texte accusateur contre Picasso de Maurice de Vlaminck “Picasso est coupable d’avoir entraîné la peinture française dans la plus mortelle impasse, dans une indescriptible confusion [...] Car, seul avec lui-même, Picasso est l’impuissance faite homme”. Alexandra n’a jamais été attirée par le cubisme, même si deux esquisses d’un groupe de chevaux indiquent qu’elle y aurait un instant touché. Choisissant un parcours artistique hors des “écoles”, en cela elle ne suivra guère les traces de son maître André Lhote.

1945-1946
La guerre finie, il fut proposé à Harry de continuer sa carrière militaire, mais il refuse comme il rompt tout contact avec l’Allemagne, sauf pour une correspondance suivie avec la sculptrice berlinoise Renée Sintenis (1888-1965), pour laquelle il avait jadis posé comme modèle.
Après la guerre, les difficultés financières s’accumulent. Leur villa via del Pergolino à Carreggi (Florence) doit être vendue, la lire est dévaluée. La famille loge brièvement via dei Fossi, puis comme sous-locataire dans ce qui allait devenir leur appartement, via Santo Spirito, dont toutes les fenêtres donnent sur l’Arno, entre les ponts détruits de la Carraia et de Santa Trinita. Impossible dans ces conditions de poursuivre une carrière de sculpteur. Alexandra se lance donc à corps perdu dans le dessin et la peinture. La famille renoue avec les amis d’avant-guerre, les familles Ferragamo, Gucci, De Faveri, Vigano et bien d’autres encore, des familles d’entrepreneurs dont les noms vont des décennies plus tard faire le tour du monde. Même avec seulement 50 lires dans son porte-monnaie, Alexandra gardera toujours une dignité exemplaire cachant l’adversité à son entourage et à ses amis, attitude qu’elle aura sa vie durant et qui force le respect.

Les temps commandaient d’agir. Au printemps 1946 le couple s’embarque sur le “Queen Elizabeth” à Cherbourg pour New York, des valises pleines d’objets produits par l’artisanat florentin (faïence, argenterie, bibelots en cuir... quelques estampes achetées Place du Dôme chez l’éditeur Albizzi). Moritz étant placé en pension à la Quesce à Florence, le couple sillonnera durant près de trois mois les États Unis vendant tout ce qu’ils avaient apporté. C’était un premier succès, mais seules les estampes - des fleurs de Laudons - furent recommandées par la suite, donnant le signal d’un filon à exploiter. En 1948, le couple se permet même une brève pause à San Francisco, visite le Fisherman’s Wharf et assiste à un concert de Jazz. Comme à New York avant, il en résultera plusieurs aquarelles et tableaux.

1947
Alexandra expose pour la première fois à Paris ses aquarelles et toiles à la Galerie Jeanne Castel. Entre-temps, le couple entreprend de créer une véritable activité d’éditeurs d’estampes créant même à Paris une société, la “Glamor Srl”, enregistrée chez le graveur André Nourisson qui travaillait à l’époque pour l'État (billets de banque et timbres-poste) comme pour des artistes connus, notamment pour Buffet et Salvador Dali. A la fin des années soixante l’entreprise ne comptera rien de moins que quelque 400 cuivres de reproductions de classiques (Watteau, Boucher, Piranese, Poilly, etc) et quelques artistes modernes. Cette production orientée surtout vers la décoration était destinée au commerce en gros à l’attention des décorateurs d’intérieur alors que la construction d’hôtels et de bureaux connaissait un véritable boom.

1949
Comme chaque année en janvier le couple prenait le bateau pour les États-Unis, et ceci jusqu’au début des années soixante. Les premières années Alexandra restait à New York pour gérer la clientèle locale tandis que Harry parcourait le pays en tous sens en autobus “Grey Hound” chargé d’une lourde valise d’échantillons. Lors d’un de ces voyages elle eut une crise aigüe d’appendicite et dut être opérée sur le bateau au milieu de l’Atlantique. A cette même époque aussi leur fils à Florence tombe gravement malade et doit être plusieurs fois hospitalisé. Les factures médicales s’accumulent mais les affaires vont bon train. Fin janvier 1949, Alexandra organise sa première exposition sur le sol américain à New York à la Van Diemen Lilienfeld Gallery. Elle y présente un choix varié d’aquarelles et de portraits, de Florence ainsi que celles faites l’année précédente à New York et à San Francisco.
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