«Au diable les ego»
La dure naissance du Festival international de films de Montréal secoue Moritz de Hadeln
Odile Tremblay
Édition du samedi 17 et du dimanche 18 septembre 2005

photo: Jacques Nadeau pour Le Devoir
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At the festival with Alain Simard (2005)

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The "Montreal Festival Saga"

Based on an earlier interview with Moritz de Hadeln, this article was published on the front page of "Le Devoir" on the eve of the opening of the new Montreal Film Festival (FIFM). At the time, it created quite an uproar, and although its content was largely approved by the Quebec film community, it created much unease among the event organizers. This article pinpoints some of the reasons why the event was doomed to fail, even before it started. It should be reminded that to the difference of his previous assignments in Locarno, Berlin or Venice, in Montreal Moritz de Hadeln was strictly confined to the role of an artistic director, having no say on the organisation itself.

In summary, Odile Tremblay's article recalls that the event was to take place only two weeks after Serge Losique's Festival des Films du Monde (FFM) and shortly before Claude Chamberlan's Festival du Nouveau Cinema (FNC) due in October. This new event was organized by l'Equipe Spectra [known for its Jazz Festival], and at the beginning it was understood Serge Losique was retiring and this new event would be associated with Chamberlan's festival. Instead, Losique continued organizing his event and Chamberlan refused any association with l'Equipe Spectra, thus forcing a last minute change of dates. Moritz de Hadeln is quoted saying: "One has created a monstrous situation. I regret to be part of it". 

Further on, this article notes that ticket sales on the eve of the event are at the lowest, that the programme catalogue was distributed too late and that no "film buff" accreditation facilities are made available to the public, contrary to what is done at the other two events. Acknowledging that the choice of films was made by giving priority to international premieres, the article further states that the relations with the local distributors remained difficult, although most of them are part of the festival board. They preferred indeed to give priority to the Toronto festival that offers to them a larger exposure.

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II grommelle, Moritz de Hadeln. Le Festival international de films de Montréal (FIFM) démarre demain avec Les Poupées russes de Cédric Klapisch en ouverture. Sonnez trompettes! Déroulez Ie tapis rouge! Le bal est parti pour huit jours de films et de festivités... N'empêche: on est à deux semaines de la clôture du FFM et Ie Festival du nouveau cinéma suivra en octobre. Une chatte n'y retrouverait pas ses petits.

Le délégué général à la programmation du FIFM, pris dans la tourmente de trois festivals en enfilade, en a gros sur Ie coeur. Mettez-vous à sa place...

L'ancien directeur des festivals de Berlin et de Venise avait été embauché pour s'occuper de la programmation d'un nouveau rendez-vous de films montréalais. Aval des institutions, pilotage de l'événement par l'Équipe Spectra: tout baignait dans l'huile. «On m'avait assuré que Ie FFM de Serge Losique tombait, que Ie FNC de Claude Chamberlan se joignait au FIFM... », rappelle-t-il.

Fin du beau scénario.

Une mise en demeure de Serge Losique, du FFM, toujours debout et très fâché de se voir privé de fonds publics au profit du nouveau rival, l'attendait au printemps. Bonjour l'accueil !

Claude Chamberlan, avec son Festival du nouveau cinéma à l'automne, a refusé de s'unir au FIFM afin de conserver son indépendance. Le FIFM, qui devait rouler en octobre, a bientôt dû devancer ses dates, histoire d'éviter les conflits avec Ie FNC. La saga des trois festivals de films à Montréal commençait. Welcome in Montreal !

«Au diables les ego», lance Moritz de Hadeln, excédé. «On a créé un monstre. Je regrette de m'y être prêté.» II veut bien poursuivre sa tâche, mais sous un autre climat.
Né en Angleterre, élevé en France et en Suisse, à la tête du Festival de Nyon de 1969 à 1980, de celui de Locarno de 1972 a 1977, du rendez-vous de Berlin entre 1980 et 2001, puis deux ans directeur de la Mostra de Venise, Moritz de Hadeln a vu neiger sur le septième art et sur la planète en général. Montréal aura été sa douche froide : «Le Québec m'apparaît moins accueillant qu'on veut bien nous Ie faire croire, soupire-t-il. Depuis notre arrivée, la seule invitation que mon épouse et moi avons reçue pour une première de film fut cette semaine pour Ie lancement de la rétrospective d'Agnès Varda à la Cinémathèque. Agnès, une amie, avait exigé notre présence. Sinon... »

Le délégué général aurait préféré attendre en 2006 pour faire démarrer Ie FIFM, histoire de laisser la poussière retomber sur les chicanes internes et de prendre le temps de bâtir un rendez-vous solide I'an prochain. «Les institutions en ont décidé autrement.»

II n'a pas la langue de bois, Moritz de Hadeln. Le voici qui appelle à une intervention des instances politiques. II trouve la ministre de la Culture et sa vis-à-vis du Patrimoine bien muettes dans le contexte de cette crise. Le délégué à la programmation du FIFM affirme qu"un bilan est prévu pour la crise des festivals, sans doute après la clôture du dernier des rendez-vous en lice (le FNC, en octobre). Les directeurs de festival de films et les fonctionnaires de Téléfilm et de la SODEC devraient ausculter le malade et émettre un diagnostic.

Serge Losique ne participera certainement pas à cette réunion (Ie FFM est privé de subventions publiques de toute façon). Reste les deux autres. «La crise ne peut continuer en 2006, poursuit M. de Hadeln. Il y va de la crédibilité de Montréal sur l'arène internationale.»